Le Surréalisme fut surtout un mouvement de poètes et de peintres. C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de musiciens dans le Surréalisme. On voit donc le Surréalisme dans les musées et les bibliothèques. Même Breton est dans La Pléiade. C’est fatal. Mais le Surréalisme est aussi quelque chose de différent. C’est une tradition, une attitude de l’esprit humain, une aspiration secrète de tous les hommes. Les racines historiques du Surréalisme, on les trouve dans le romantisme allemand. Je crois qu’en tant que tradition, le Surréalisme est vivant, d’une façon secrète, et qu’il va renaître. Comment ? Je ne sais sous quelle forme. J’étais étonné quand j’ai connu les premiers surréalistes à Mexico, pendant la guerre. Je parlais avec eux, avec Bunuel, avec Leonora Carrigton, avec Péret, et je pensais : «Ces gens, au fond, mènent une quête très ancienne, ils cherchent une réconciliation entre le macrocosmos et le microcosmos». Ces attitudes, ces réflexions, me rappellent quelquefois les gnostiques du IVe siècle. Et alors j’ai découvert que le Surréalisme n’est pas seulement une révolution, comme Breton l’a cru au commencement, mais, comme il l’a vécu ensuite, que le Surréalisme est une tradition. En tant que tradition, il est destiné à renaître sous des formes différentes.

Octavio Paz, entretien avec Dominique Rabourdin (Mexico, mars 1996). Trois cerises et une sardine, n°5, septembre 1998.

Voir aussi:

Lourdes Andrade: "Octavio Paz, étoile errante du surréalisme"