"Ici l'on métamorphose" pourrait placarder sur sa porte Gaston Chaissac"

On ne s'étonnera pas que l'oeuvre d'un tel homme soit plus surprenante, plus variée que nulle autre, et d'autant plus attachante qu'elle est offerte sans emphase. L'auteur n'en tire pas la moindre vanité. il semble au contraire surpris de l'intérêt qu'elle suscite. [...]
Car ce n'est pas un artiste comme un autre..."J'aime les feuilles des arbres quand elles remuent." Nul doute qu'on tient là une des constantes de l'oeuvre de Chaissac: un frémissement intérieur, à l'image  de celui de feuilles dans la brise ordonnant une sorte de chatoiement sonore de la ramure. C'est ce chatoiement, qu'on perçoit au passage, qui incite parfois Chaissac à préférer l'éphémère au durable, "le géant de la muraille", qui ne résiste pas aux intempéries et la sculpture au charbon dite "tête de moineau" – au tableau préservé de tout accident dans une collection. Sans  préjugé touchant au métier, puisque le mot artiste "ne veut probablement pas dire grand chose", sans ambition. C'est le "cordonnier sans travail d'une paroisse boquine" qui se reconnaît seulement à juste titre comme "un homme couleur d'audace".

Benjamin Péret, Les inspirés et leurs demeures, de Gilles Ehrmann, éd. Le Temps, 1962., Oeuvres complètes, tome 6, José Corti, 1992, pp. 365-366.