"Le surréalisme c'était la volonté de descendre en soi. C'était en réalité l'authenticité et la sincérité."

Aimé Césaire et le mouvement surréaliste (Archives INA)

***

Benjamin Péret, Aimé Césaire et le surréalisme :

Dans sa préface à l'édition espagnole (1) du Cahier d'un retour au pays natal, Benjamin Péret saluait ainsi Aimé Césaire:

« J’ai l'honneur de saluer ici un grand poète, le seul grand poète de langue française qui soit apparu depuis vingt ans. Pour la première fois, une voix tropicale résonne dans notre langue, non pour pimenter une poésie exotique, ornement de mauvais goût dans un intérieur médiocre, mais pour faire briller une poésie authentique qui jaillit de troncs pourris d'orchidées et de papillons électriques dévorant la charogne; une poésie qui est le cri sauvage d’une nature dominatrice, sadique qui avale les hommes et leurs machines comme les fleurs les insectes téméraires. Aimé Césaire ne doit rien à personne : son langage n’est pas tant le sien que le langage resplendissant des colibris zébrant un ciel de mercure. Plus que l’interprète de la nature tropicale de la Martinique, il en est une partie ; à la fois juge et partie de cette nature. Sa poésie a le souverain mouvement des grands arbres à pain et l’accent obsédant des tambours du vaudou. La magie noire, grosse de poésie, s’oppose à la rebellion des religions esclavagistes où toute magie se modifie ; où toute poésie meurt à jamais.

J’ai l’honneur de saluer ici le premier grand poète noir qui a rompu ses amarres et s’élance, sans se préoccuper d’aucune étoile polaire, d’aucune croix du Sud intellectuelle, avec pour seul guide son désir aveugle.


Benjamin Péret, préface à Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire, Œuvres complètes, 7, José Corti, p. 67.

(1) Aimé Césaire,  Retorno al pais natal, traduction de Lydia Cabrera, préface de Benjamin Peret, illustrations de Wifredo Lam, La Havane : Molina, 1943.

Aimé Césaire lit un de ses poèmes:
 



 

 

Tam Tam

 A Benjamin Péret

 à même le fleuve de sang de terre
 à même le sang de soleil brisé
 à même le sang d'un cent de clous de soleil
 à même le sang du suicide des bêtes à feu
 à même le sang de cendre le sang de sel le sang des
 sangs d’amour
 à même le sang incendié d’oiseau feu
 hérons et faucons
 montez et brûlez

Aimé Césaire



Aimé Césaire parle de sa rencontre avec André Breton:


"Tout de suite ça été une vraie rencontre, très amicale. C’était un homme qui me fascinait, c’était vraiment un poète. Il avait un sens étonnant de la poésie, un détecteur de poésie dans le moindre geste, dans le moindre fruit, dans la moindre fleur, dans n’importe quelle histoire. Mon ami Senghor dirait : on voit bien que c’est un celte, c’est le goût du merveilleux et le sens du merveilleux il l’avait. C’était prodigieux et çà m’a beaucoup éclairé. J’ai compris la quête de Breton et la quête du merveilleux mais qui allait aussi de pair avec la quête de la liberté."




André Breton et Aimé Césaire:

(extraits)

«Ainsi donc, défiant à lui seul une époque, où l'on croit assister à l'abdication générale de l'esprit, où rien ne semble plus se créer qu'à dessein de parfaire le triomphe de la mort, où l'art menace de se figer dans d'anciennes données, le premier souffle nouveau, revivifiant, apte à redonner toute confiance est l'apport d'un Noir. Et c'est un Noir qui manie la langue française comme il n'est pas aujourd'hui un Blanc pour la manier. Et c'est un Noir celui qui nous guide aujourd'hui dans l'inexploré, établissant au fur et à mesure, comme en se jouant, les contacts qui nous font avancer sur des étincelles. Et c'est un Noir qui est non seulement un Noir mais tout l'homme, qui en exprime toutes les interrogations, toutes les angoisses, tous les espoirs et toutes les extases et qui s'imposera de plus en plus à moi comme le prototype de la dignité».


André Breton, Un grand poète noir, dans Martinique, charmeuse de serpents.

Ecouter la poésie de Césaire interpréter par Philippe Morier Genoud  accompagné par Laurent Mariusse.